La splendeur du vide, Le Coeur en exil, René Chopin 1913 Silence d'une nuit et de neige et d'étoiles Où, fresques de lumière, immobile, à travers La vitre nette et bleue, étincelle sans voiles, Sous mes yeux éblouis le coeur de l'univers ! Le vaste écran tendu de la nocturne scène Me compose un décor tout à coup révélé : Rien n'y bouge, rien n'y respire, aucune haleine Ne ternit le cristal du bloc immaculé. L'inaltérable éther luit à l'horizon blême. Là-haut, l'étoile, pleur congelé dans le ciel, N'est plus qu'une fragile et scintillante gemme Et ne saurait plus dire aux Mages : C'est Noël ! Les Monts neigeux ont tu l'énigme du Mystère, Taciturnes comme des Sphinx ensevelis : À jamais confondus vainement ils tentèrent D'écarter leur linceul en soulevant ses plis. Ô mutisme effrayant d'un monde sans pensée, Traversé de lueurs au dur éclat d'acier ! L'astre mort des minuits reflète renversée La terre chaotique où brillent les Glaciers. Ne vas-tu pas toi-même entrer dans la Nuit froide, On dirait un sépulcre atone et singulier, Où reposer, le coeur serein, tes membres roides Et, comprenant l'erreur de la Vie, oublier... Je frissonne, j'ai peur. Ma chambre est si déserte ! Le silence y bruit d'un clair bourdonnement, Et j'écoute face à face avec l'être inerte Si mon sang bat toujours son faible battement. Je rêve et communie à la splendeur du Vide. Ah! combien je comprends ta froide majesté, Ô Silence infini, Voix de l'Éternité, Qui pénètres mon songe et qui me rends livide !